Voici deux récits que Edmondo De Amicis, le célèbre auteur de Cuore, consacre à la gymnastique et au sport dans l’Italie de la fin du XIXe siècle. Chroniqueur de jeux sportifs, pratiquant précoce de la bicyclette, soucieux de la santé physique des écoliers, De Amicis y traite du corps: celui de la gymnaste pédagogue, Mlle Pedani, comme celui de Nellino, le jeune champion de l’antique jeu du ballon élastique. Seule l’évocation mythologique permet de comprendre l’attrait surhumain exercé par le jeune Hercule blond sur le terrain du sphéristère ou par la «Brünhilde» wagnérienne dans les escaliers d’un vieil immeuble turinois. L’ex-séminariste, don Celzani, épiant de sa lucarne une leçon particulière de la jeune fille, ne peut résister à l’éclat de blancheur dévoilé entre sa jupe et sa bottine; la signora Gigia, à l’envol gracieux dans le renvoi de ballon, du jeune champion, Nellino.
EXTRAIT
(...) Nino Noni et la signora Gigia étaient deux époux stériles qui, comme tant d’autres, voyant se dissiper en eux la passion des premières années mais gardant des cœurs inflammables, s’étaient accordé pendant le moyen-âge conjugal, une honnête liberté d’ardeurs; celle-ci n’était tempérée que par l’usage réciproque de la pique discrète lorsqu’un soupçon – jamais poussé jusqu’à l’investigation policière – venait à naître chez l’un ou chez l’autre. Bien que modérée, la jalousie s’était toutefois réveillée chez le cavaliere lorsque, sous l’effet de l’âge et de l’embonpoint, ne sachant plus que faire de sa propre liberté, il lui avait semblé injuste que son épouse profitât de la sienne. Elle, en dépit de deux beaux yeux noirs encore pleins de feu, d’un buste gracieux qui lui donnait l’allure d’une jeune trentenaire, sous l’effet d’un repentir canonique mais aussi parce qu’un récent départ à la retraite pouvait donner loisir à son mari d’exercer une surveillance périlleuse, avait décidé de mettre un point final en la matière. Et la jalousie de Nino s’était rendormie. Mais les maris ont des propositions imprudentes! Un jour, au début du mois de septembre, inopinément, il l’invita à l’accompagner au jeu du ballon élastique – au nouveau sphéristère du cours Umberto – dont il était un des spectateurs les plus assidus et les plus fervents.
La signora Gigia eut un instant d’incertitude. Du spectacle, elle ne savait que ce que lui avait raconté une dame napolitaine de ses amies qui lui amenait souvent à la maison une petite fille ravissante à laquelle elle consacrait tout son temps et son amour. L’amie y était allée une fois et s’était mortellement ennuyée. Gigia accepta pourtant l’invitation par politesse mais aussi, sachant son mari parieur, pour être sûre qu’il restât dans des limites raisonnables et ne fît point de folies. Elle s’y rendit pourtant avec la certitude de s’y morfondre et la ferme intention de ne plus y remettre ses petits pieds.