"Un soir où j’étais de mauvaise humeur, j’ai eu l’idée d’utiliser des feuilles calibrées, en me tenant au nombre de lignes qu’elles comportaient. Une idée, un récit par feuille: la première que j’ai écrite est la première à figurer dans le livre, de même pour les autres: rien n’a été modifié, amélioré ou transformé. Je ne devais écrire que sur les rectos, jamais continuer au verso: l’autre règle était de ne pas construire d’histoires qui se suivent, ni même que les personnages se retrouvent. Chaque récit devait se suffire, quitte à ce que certaines situations se ressemblent. J’ai mis un mois à écrire le livre."
Si l'on m'autorise une suggestion, voici quelle serait la meilleure façon de lire cette brochure, mais elle est coûteuse: acquérir le droit d’usage d’un gratte-ciel qui ait autant d’étages qu’il y a de lignes dans le texte qu’on va lire; placer un lecteur à chaque étage, livre en main; confier une ligne à chaque lecteur; à un signal donné, le Lecteur Suprême commencera à se précipiter du sommet de l’édifice, et au fur et à mesure de son passage devant les fenêtres, le lecteur de chaque étage lira à haute et intelligible voix la ligne qui lui est destinée. Il est nécessaire que le nombre d’étages corresponde à celui des lignes, et qu’il n’y ait pas, entre l’entresol et le premier étage, de méprise susceptible de provoquer un embarrassant silence avant le fracas. Il est louable aussi de le lire dans les ténèbres extérieures, ou mieux encore au zéro absolu, dans un vaisseau spatial en perdition.— G. M., Page IV de couverture à Centurie.