Ce projet d'édition rassemble trois pièces du géant génie gênant Arthur Cravan, en dehors de la revue Maintenant, de nombreuses fois rééditée. 1) Cravan golpeador : série de 40 images dArthur Cravan à Barcelone, en 1916, en tenue de boxeur s'exhibant avant son combat contre Jack Johnson. 2) 35 lettres inédites à Sophie Treadwell (25 avril 1917-3 septembre 1918). En ce printemps 1917, on croyait que la poétesse Mina Loy, qui deviendra sa femme quelques mois plus tard à Mexico, occupait seule son esprit : c'était sans compter ces trente-cinq lettres inédites, écrites en français, resurgies d'une bibliothèque universitaire américaine, adressées à Sophie Treadwell, ancienne correspondante de guerre, journaliste, future dramaturge à succès. C'est à Sophie que sont adressées les dernières lignes connues de la main d'Arthur Cravan, avant sa disparition. 3) Notes (1917), son dernier très long poème, publié par André Breton en revue pour la première fois en 1943.
« Qu'il vienne celui qui se dit semblable à moi que je lui crache à la gueule. » Cravan interpelle en même temps qu'il apostrophe, il aime-déteste, parcourt-stagne, il « ne tolère pas qu'on marche sur l'ongle de (son) orteil», il fulmine et s'endort face au rêve. Il rêve dans le rêve de Sophie Treadwell, l'amour fou, la passion inextinguible, celle qui part de loin en loin, laissant le « Terrible Boxeur Boxant avec ses souvenirs et ses mille désirs » comme avant, avec Golpeador dans la danse lancinante d'un multiple flouté. Il lui adresse trente-cinq lettres dont le contenu nous révèle l'emportement et la force d'un désespoir qui le taraude, jusqu'au profond, au plus profond. Ainsi parle-t-il jusqu'à l'écho de sa douleur: « La vie ne vaut pas la peine d'être vécue, mais je vaux la peine de vivre. » Cravan est un exemple de ce que Rimbaud appelait « la liberté libre », il est sur le sol comme un virtuose de ce qui reste d'inachèvement, il est ce bouillonnement de la vague qui déchire l'océan pour l'engloutir dans le golfe du Tehuantepec à l'automne 1918. Il est ce suicidé de la société à l'instar de Rigaut, l'excentré magnifique, de Vaché, expert dans la désertion à l'intérieur de soi-même. Les Editions Cent Pages ont réalisé un véritable chef d'œuvre typographique, un livre tiroir, boîte à lettres, une commode de l'esprit où l'on fouille, où l'on trouve missives, dessins, fac-similés et photographies. Cette édition nous offre une proximité rare avec ce lointain que questionnent encore quelques noctambules aveuglés de Lune noire. Ce livre doit passer entre toutes les mains, sans oublier les manchots. Aussi faut-il se rendre à l'évidence et entendre cet avertissement de Cravan: « Il y a danger pour le corps à lire mes livres » ou encore: « Je suis brute à me donner un coup de poing dans les dents, subtil jusqu'à la neurasthénie… »
Patrice Corbin, janvier 2015
MARQUE DE FABRIQUE
Couverture sous jaquette-affiche réversible avec autocollant Pas Maintenant impression en thermorelief. À l'intérieur, six encarts sous pochette cristal, carte de visite Arthur Cravan, fac-similé lettre à Sophie Treadwell du 4 mai 1917.