Jean de La Ville de Mirmont, ami de François Mauriac, est mort au front à Verneuil le 28 novembre 1914 vers trois heures de l’après-midi. Il est l’auteur d’un cycle de poèmes, L’Horizon chimérique, mis en musique par Gabriel Fauré en 1921.
Les Dimanches furent publiés à trois cents exemplaires, chez Bergue, rue de Condé, en 1914.
Je travaille toujours, quoique lentement, à mon histoire. Je ne sais si je la publierai jamais, mais elle m’amuse énormément à écrire. Ce sera désolant sous son aspect ridicule. Mon personnage est définitivement employé de ministère. (…) Pour essayer de se distraire, il emploie tout un dimanche à suivre les conseils de plusieurs prospectus qu’on lui a donnés dans la rue. (…) Je mettrai là, si je peux, toute l’horreur des foules dominicales, toute la médiocrité d’existence des petits employés qui font du patin à roulettes et assistent aux concours de bicyclettes au bois de Vincennes. Ce ne sera plus du tout un roman naturaliste, mais une sorte de fantaisie à double sens sur ces gens dont Cervantes disait qu’ils servent à augmenter le nombre de personnes qui vivent.
Lettre à sa mère, le 3 novembre 1912.
EXTRAIT
Ce jeune homme, appelons-le Jean Dézert.
À moins de le bousculer au passage, vous ne le distingueriez pas de la foule, tant il est vêtu d’incolore. Il porte un faux-col trop large et une cravate quelconque. Les jambes de ses pantalons, ainsi que les manches de ses vestons, se plient d’elles-mêmes aux genoux et aux coudes. Ses pieds tiennent à l’aise dans des chaussures fatiguées.
Que dire de plus pour le dépeindre, sinon que de sa figure longue dont il rase soigneusement les joues, seules ses grandes moustaches étonnent? On conçoit difficilement leur rôle, voire même leur utilité dans une physionomie d’aspect aussi discret.
La maigreur de Jean Dézert vous explique qu’il n’ait pas servi sous les drapeaux. Il fait, d’ailleurs, fort peu d’exercice physique, étant employé au Ministère de l’Encouragement au Bien (Direction du Matériel).
Sa vie – peut-être, par la suite, y puisera-t-on d’utiles renseignements – n’offre rien que de très ordinaire, en apparence. Il loge rue du Bac, au cinquième étage, en face du Petit Saint-Thomas – cela sans idée préconçue. Une femme de ménage balaie sa chambre et son vestibule, fait son lit, brosse ses habits, secoue son tapis dans la cour commune de l’immeuble. Elle se nomme Angèle. Elle est veuve.
L’unique originalité de l’appartement consiste dans le peu d’élévation du plafond. Si Jean Dézert montait sur une chaise, il se verrait dans l’obligation de baisser la tête. Mais le désir de tenter cette expérience, comme tant d’autres, ne lui est jamais venu. Des personnes à l’imagination facile se croiraient, chez lui, dans l’entrepont d’un voilier. D’autant qu’une déclivité transversale du plancher – imputable, en vérité, bien plus à la vieillesse de la maison qu’au mouvement de la mer – semblerait confirmer l’hypothèse.