Les lettres de guerre de Jean de La Ville de Mirmont furent publiées confidentiellement après sa mort. Témoin privilégié et acteur en première ligne d’un immense cataclysme, Jean de La Ville apporte un éclairage précis sur l’état de la guerre à Paris et sur le front. Cette correspondance de 40 lettres envoyées à ses parents débute le 28 juillet 1914 et se termine quatre mois plus tard avec sa mort pour la France le 28 novembre 1914.
EXTRAIT
Hier des officiers allemands ont agité un drapeau blanc et sont venus causer avec les nôtres, les invitant à déjeuner pour dimanche prochain. D’une tranchée à l’autre les soldats français et allemands se sont engagés à ne pas se fusiller de la journée. Ils se sont amusés à se lancer des pommes de terre. Le soir venu, les Boches ont entamé un cantique. Les nôtres ont répondu en entonnant un chant vif et animé:
Ah! que c’est rigolo!
On va leur flanquer
Les pieds dans le dos!
Puis la mitraille a repris. De mon côté j’étais en petit poste avancé avec mes hommes. Je n’ai eu qu’un blessé. Nous avons trouvé du cidre et un lapin dans la cave d’une maison abandonnée. Je viens de recevoir une carte de Paul, qui va bien. Mon collègue à la Préfecture, Tristan Klingsor, poète et critique d’art, m’a également envoyé un mot.
Au revoir, ma chère maman. Pour finir, j’approuve tout à fait ton idée d’un gilet en peau de lapin. Pourvu qu’il ait plus de chance que mes lunettes!
Je vous embrasse tous très tendrement
Ton fils qui t’aime,
Jean.